Sahyd (le producteur de matériaux qui se casse) m'a confié que des suspissions trainent sur moi quant à une possibloe appartenance à la MG. J'ai alors parlé à tous comme suit. J'ai essayé de nier ces suspissions en prétextant que je faisais partie du Mossad:
Le soir, autour du feu de bois disposé entre les tentes formant la communauté de Samarcande, chacun restait silencieux, perdu dans ses pensées. Lehla semblait en être vraiment gênée... elle prit la parole.
Bon, je crois que la tension monte parce que chacun de nous pense que l'autre pense que l'on pense que... bref, ça psycotte à mort!
Non mais regardons nous! Ryo et Magda se tirent la gueule par manque de communication, moi je tire une tronche d'enterrement parce que Sahyd se casse et que je vois mes beaux rêves de citerne et de chiottes s'envoler... et Temudjin essaie son possible pour exposer ce qui se passe chez les Khazars autant que dans la GdP. Et pourtant, chacun regarde chacun... sait-on jamais que ce soit un espion, un tueur en cavale...
En fait, nous nous connaissons mal. Alors il serait sympa que nous essayons au moins de mieux savoir qui nous sommes. Et je sais que ma grande gueule ne revient pas à certains d'entre vous, que ça déblatère dans mon dos. Pas la peine d'être un devin pour le savoir. Mais vous savez quoi? Je m'en fous royalement! J'essaie de faire mon boulot pour que Samarcande puisse vivre dans un peu plus de confort. Que ça plaise ou non.
Maintenant je vais vous expliquer qui je suis, pour ceux qui ne le savent pas. Ca aidera peut-être à mieux nous comprendre.
Mon père s'appellait Mohammed al Sabah. Il était Palestinien et musulman. Il était médecin et exerçait en territoire occupé de Cisjordanie. Il rencontra ma mère, Rachel Sarfatti, Israëlienne et juive, blessée lors d'un attentat-suicide dans un bus en 1992 lors du deuxième Inti Fadah. Eux, que tout séparait, se sont aimés. Ils se sont mariés civilement et ont dû chacun couper les ponts avec leurs familles respectives pour pouvoir vivre leur amour. L'intolérance ambiante ne pouvait tolérer cet îlot de bonheur.
Je suis née un an plus tard à Jérusalem. Mes origines m'ont alors condamnée à la solitude dans une société divisée entre Palestiniens et Israëliens où chaque camp me jugeait comme une batarde et traitre à sa cause.
Sans amis, j'ai donc mis mon énergie dans les études. J'avais envie de prouver que je pouvais être meilleure qu'eux tous. Finalement, j'ai eu mon bac à 15 ans. J'ai ensuite suivi des cours à la fac de médecine pour suivre les traces de mon père. Mais la guerre civile palestinienne de 2008 entre Hamas et Fatah (partis extrémiste contre parti modéré au pouvoir en Palestine indépendante) a amené Israël à durcir sa politique et à fermer ses frontière... la troisième Inti Fadah fit son apparition sur le sol Israëlien. Et le Likkud put aisément convaincre le gouvernement de mettre le pays en état d'urgence. Toutes les "Forces vives" du pays ont été enrôlées. J'en ai fait partie. J'ai été affectée à un squad d'élite d'intervention de Tsahal en tant que médecin de guerre. Moi qui était encore qu'une novice le nez dans les bouquins. Mais je suis bilingue hébreu/arabe. J'avais une utilité certaine, bien que le reste du squad me considérait comme une arabe, une ennemie.
La-dessus, le Mossad, le service secret israëlien, m'a engagée comme indic sur le terrain. Contre mon gré, vous pouvez vous en douter. Le bouquet, quoi.
Ca a duré un an. Un an d'horreur où j'ai appris sur le tas à soigner un blessé par balle, à amputer sur le trottoir, à injecter de l'adrénaline à un mourrant pour qu'il tienne le coup encore deux minutes... un an où ma solitude a été totale, tellement l'horreur qui m'entourait m'a empêchée de m'ouvrir aux autres. Enfants abattus sans raison d'une balle en pleine tête par un soldat Israëlien, soldats blessés, civils mutilés par les attentats-suicides devenus quotidiens. Souffrance et incompréhension. J'ai essayé de sauver chacun sans distinction de race ou de religion. Mais la tâche était tellement grande.
Lehla regarda chacun... elle semblait hésiter.
Alors j'ai craqué. Je ne l'ai encore jamais dit à qui que ce soit sur cette planète, mais j'ai craqué. Quand j'ai sû le départ des premières navettes vers Pandora, j'ai déserté et j'ai pris le premier vol disponible. Loin de cette horreur. Les vols de 2009 ont mis environ 30 ans pour rejoindre Pandora, alors que les derniers, dont vous êtes en majorité issus, n'ont mis qu'une année environ. Moi, j'ai passé le voyage en hibernation. Ce qui explique que j'ai biologiquement 17 ans bien que je sois née en 1993.
En tant que déserteuse, je peux être jugée et exécutée immédiatement. Alors je vous fais confiance pour garder ce que je viens de vous dire pour vous. Car je suis certaine que des agents du Mossad ont aussi débarqué sur Pandora. Et j'espère aussi que vous comprenez mieux pourquoi je veux éviter qu'une ambiance paranoïaque s'installe entre nous. Ne faisons pas l'erreur de nous recroqueviller sur notre nombril... oublions nos différences et essayons de travailler ensemble, de nous soutenir moralement...
OK?
Ha oui, un dernier truc. "On" m'a dit que j'étais suspectée d'appartenir à la MétaGuilde. Que j'étais une dangereuse psy. Le "on" est parmi nous ce soir, d'ailleurs. Alors je vous le dis tout de suite: vous pouvez me foutre autant de temps devant une cuiller que vous voulez, je n'arriverai jamais à la plier à distance. Et je ne sais pas lire dans les esprits non plus. Et le seul truc psy que je connaisse, c'est un divan et un certain Freud. Alors je ne sais vraiment pas ce qui a pu vous mettre cette idée en tête, mais franchement, c'est dément. Je pense franchement que d'être arabe, juive et déserteuse de Tsahal ET du Mossad est amplement suffisant niveau emmerdes.
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